Écrit par : Ludovic
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Hommage à Pierre Martel

Pierre Martel, le fondateur d’Alpes de Lumière, nous a quittés le 21 janvier 2001.

Lorsque, au début des années soixante, je trébuchais sur de multiples obstacles en essayant de suivre les chemins d’autrefois, l’article qu’il avait corédigé avec Guy Barruol sur la voie romaine de Sisteron à Cavaillon1 m’avait frappé par sa clarté et sa démarche scientifique. Ce texte m’avait permis de mieux orienter mes recherches pour dérouler l’écheveau des itinéraires antiques et médiévaux.

J’ai eu ensuite l’occasion de faire connaissance avec Guy Barruol lorsqu’il était Directeur des Antiquités Historiques à Montpellier, mais il m’a fallu attendre mon adhésion à Alpes de Lumière en 1983 pour rencontrer enfin Pierre Martel.

J’ai tout de suite été conquis par son charisme rayonnant et par le mirandolisme de son savoir. Mes souvenirs les plus précieux se sont gravés au long des excursions où il abordait avec passion un éventail coloré de thèmes. Il nous enseignait d’une halte à l’autre tantôt la géologie, tantôt la botanique, tantôt la technologie, tantôt le paysage, tantôt l’architecture vernaculaire… Il me rappelait mes sorties avec mon maître en géographie, Paul Marres, qui - lui aussi - a marqué profondément mon engagement culturel.

Pierre Martel était né le 22 mai 1923 sur le plateau d’Albion dans une famille de modestes agriculteurs. Après des études au séminaire de Digne, il avait été successivement curé à Simiane (1953-1955) et à Mane (1955-1960) avant de devenir aumônier fédéral de la jeunesse rurale jusqu’en 1969.

N’acceptant pas les compromissions, il avait fait le choix de quitter le sacerdoce pour épouser religieusement en 1978 Claude qui, après avoir été sa disciple en linguistique et en ethnologie, se consacre à la poursuite de l’œuvre et de l’action de son mari.

Pierre Martel entrera dans l’histoire comme le fondateur, en 1953, du mouvement Alpes de Lumière. Dans l’intention, plus ou moins perçue, de concrétiser les rêveries de Giono, il s’était attelé à faire émerger les collines de la Haute Provence de leur brouillard d’inculture et d’endormissement en replaçant au premier rang la prestigieuse histoire du pays et son extraordinaire patrimoine rural.

Son action la plus méritoire aura été d’ancrer l’association à Mane dans l’authentique prieuré médiéval de Salagon. Il s’en est suivi la réhabilitation d’un des fleurons de l’art roman méridional, accompagnée de la création d’un musée des traditions de Haute Provence, d’un centre de documentation et de rencontres ainsi que de la plantation d’un original jardin des simples.

En 1982, il n’avait pas hésité à nous enseigner la sagesse en se mettant en retrait des activités militantes pour se concentrer sur ses recherches, ses ouvrages en préparation et surtout au classement d’un impressionnant fonds d’archives, constitué pendant plus de cinquante ans d’enquêtes de terrain et de prospections archéologiques.

Pierre A. CLEMENT revue L.C.C. - Font Vive, n°125 (avril-juin 2001)

Reproduit avec l’aimable autorisation du Lien des Chercheurs Cévenols.

1 Revue d’Etudes Ligures, 1962, n028, p. 125-202.