C’est de cette démarche que procéda la grande place qu’il occupa dans la Revue de Villeneuve-de-Berg et dans Mémoire d’Ardèche et Temps Présent où il multipliait les recensions d’ouvrages historiques. Afin de se rapprocher du public, il publia un grand nombre d’articles et prononça de nombreuses conférences. Il a participé aussi à plusieurs colloques : Chirols, en 1987 sur les Villages en Vivarais, Villeneuve-de-Berg, en1989, à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française, Privas, en 1994 pour le cinquantième anniversaire de la Libération, enfin le colloque de Vals-les-Bains sur Cîteaux, organisé par la Revue du Vivarais, quelques jours avant sa disparition en octobre 1998. Responsable de la Revue de Villeneuve-de-Berg dont il assura la parution annuelle sur 18 numéros, il y réalisa avec la collaboration de son épouse en 1984 un magnifique numéro spécial pour le 7e centenaire de la fondation de Villeneuve : Les grandes heures du bailliage et de la Sénéchaussée du Bas-Vivarais, qui comporte plus de 300 pages. Ses deux ouvrages majeurs sont celui que je viens de mentionner et Révoltes et espoirs du Vivarais, édité en 1988 par la Fédération des œuvres Laïques, avec la collaboration de MATP.

Concernant les grands axes de la recherche historique de Maurice Boulle, je reprends la contribution de Jean-Louis Issartel :

« Premier axe de recherche, au début des années 80, aux approches du 700e anniversaire de la fondation de Villeneuve-de-Berg, sa commune de résidence, ce sont ses travaux sur la création de la bastide royale qui en ont fait le spécialiste que l’on connaît de l’histoire locale de sa ville, et au-delà de celle du Vivarais. C’est sur ce terrain qu’il s’initie au travail d’historien. Olivier de Serres, les arcanes de la justice royale et le monde des robins lui deviennent bientôt familiers. À la fin de sa vie, revenant sur le sentier de ses débuts, sa dernière communication au colloque sur Cîteaux porte sur le rôle des Cisterciens de Mazan dans la fondation de Villeneuve-de-Berg en 1284. Deuxième axe de recherche, ce sont ses travaux sur le protestantisme, initiés au milieu des années 80 par le souvenir de la Révocation de l’Édit de Nantes de 1685. Le passé protestant de Villeneuve-de-Berg lui donne matière à travailler. Et c’est ainsi que, de fil en aiguille, il s’émancipe de l’histoire locale pour devenir l’un des grands spécialistes de l’histoire huguenote avec la mise en valeur du personnage d’Antoine Court et du rôle fondamental joué par ce dernier. Ses travaux lui valent d’être reconnu bien au-delà des limites du département, et d’être sollicité par le Rectorat de Grenoble pour son bulletin de l’Information régionale, ainsi que par des universitaires comme Pierre Bolle. Troisième axe de recherche, ce sont, à l’approche de la célébration du bicentenaire de la Révolution Française, ses contributions à la connaissance de l’événement, avec bien sûr son tableau magistral de la situation du Vivarais à la veille de la Révolution, mais aussi ses analyses sur Delichères et les débuts de la Révolution en Ardèche, sur la société populaire de Villeneuve-de-Berg, sur la Révolution à Lavilledieu, sur la réaction thermidorienne dans le sud du département… C’est aussi sur ce terrain qu’il déploie toutes ses qualités d’organisateur et d’entraîneur d’équipes lancées dans un formidable élan de recherches collectives. Enfin, quatrième axe de recherche, ce sont, à l’occasion de la préparation de la célébration du cinquantième anniversaire de la Libération, ses contributions à la connaissance du second conflit mondial en Ardèche, avec notamment la mise en valeur brillante des parcours croisés de deux parlementaires ardéchois : Edouard Froment et Xavier Vallat. Je rappellerai que traiter un sujet comme celui de Xavier Vallat en 1994 n’était particulièrement facile dans ce département où l’ancien commissaire aux affaires juives avait conservé de nombreuses relations jusqu’à sa mort. [MATP 102, p. 35-36]

Plutôt qu’à des périodes historiques bien définies, c’est à des faits sociaux majeurs que Maurice Boulle s’est intéressé : l’ordre de Cîteaux, le protestantisme et certaines de ses figures marquantes en Ardèche (Olivier de Serres, Antoine Court), les révoltes villageoises, la justice de l’Ancien Régime, la Révolution française et ses prémisses, la Libération, la Résistance et la Déportation, l’histoire économique et sociale de l’Ardèche restant bien sûr son sujet de prédilection. Maurice Boulle avait une attirance pour le bien, le bon, le beau, comme disaient les philosophes grecs et comme on le disait bien avant eux dans l’antiquité égyptienne. Son amitié avec les peintres, notamment Petit-Lorraine et Shedlin, son entretien avec Martine Diersé publié dans la Revue des Enfants et Amis de Villeneuve de Berg en 1998, témoignent d’une grande sensibilité artistique, d’un intérêt profond et d’un goût très sûr dans le domaine des arts plastiques auxquels il initiait les élèves en leur faisant visiter des expositions.

Maurice Boulle s’est intéressé à d’autres formes d’art : la photographie, le théâtre qu’il faisait découvrir à ses élèves lors des tournées des spectacles de la Comédie de Saint-Étienne qui passaient par Aubenas. Il organise pour eux plusieurs sorties annuelles au Théâtre de Privas et devient un fidèle du Festival d’Avignon. De 1953 à 1958, à Largentière, il effectue avec un collègue instituteur des tournées de projections de films dans les écoles des environs. Enfin, en 1977, il fait partie, aux côtés de son ancien élève, Jean-Marie Barbe, de l’équipe à l’origine du festival de Lussas. La musique l’attire également et, toujours dans le souci de partage avec ses élèves, il leur apprend la flûte à bec. Je m’arrêterai sur quelques phrases écrites par Gilbert Auzias sur « Maurice Boulle, le laïque » dans le Cahier MATP 102, p. 27 :

Il mettait tranquillement en actes l’éducation populaire, avec la complicité discrète et revigorante du directeur du collège, Georges Leynaud, à qui, aussi, la F. O. L. doit tant. La culture générale, tout simplement, à laquelle ils tenaient tous les deux, comme à la prunelle de leurs yeux. Fidèles à leurs origines humbles, ils se gardaient bien d’oublier ce qu’ils devaient à l’école publique. Inestimable, elle leur avait ouvert les yeux. Maurice Boulle mit rapidement sa plume à la disposition du journal Envol, créé en janvier 1948. Ses contributions y furent nombreuses et éclectiques. Elise en a subtilement retiré la substantifique moelle. La sélection de textes qu’elle présente, ici, éclaire les facettes de l’humaniste, du laïque qu’était Maurice Boulle ; il était convaincu que la vertu se trouvait au milieu du gué, sans pour autant négliger les rives qui, si souvent, nous enserrent.

Ce passage résonne en moi alors que je suis en train de terminer un article novateur sur le principe de maât qui a guidé les anciens Égyptiens pendant plus de trois millénaires, de ca. 3100 à l’arrivée du christianisme. Ce principe d’ordre, d’harmonie, de justice et d’équité dont dépend la vie a inspiré Aristote dans sa conception de la justice universelle et du « juste milieu ». J’oserai dire que Maurice Boulle était conforme à la maât, un maâty, et, en conclusion, je dirai simplement que Maurice Boulle fut un parfait humaniste et que c’est cette qualité essentielle qu’il a mise au service de ses diverses activités :

Maurice Boulle ne savait que s’investir à fond dans ce qu’il entreprenait. Ses activités, ses engagements étaient, bien sûr, basés sur ses goûts personnels, mais aussi sur son intérêt pour le patrimoine local, sur son désir de participer à la vie sociale de Villeneuve-de-Berg et sur ses convictions : attachement à l’école laïque, égalité des chances donnée à chaque enfant, accès à la culture pour le plus grand nombre et profond respect des Droits de l’Homme. [MATP 102, p. 4]

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